Old Delhi ou la fascinante histoire de Shahjahanabad

Old Delhi. Vivante, curieuse, étonnante, fascinante, bouillonnante, tumultueuse, bondée, chaotique, sale, bruyante, effrayante, colorée, attachante… Les mots nous manquent tant qu’elle est à vivre plutôt qu’à décrire.

Difficile d’imaginer lorsque nous nous promenons dans ses petites ruelles poussiéreuses et désorganisées, que Old Delhi a rivalisé avec les villes de Tokyo et d’Istanbul lorsqu’elle n’était encore que Shahjahanabad, la capitale de l’empire moghol. Son histoire, qui commence en 1638, est une vraie saga, empreinte de guerres de pouvoir, d’assassinats (de frères, neveux, oncles, cousins), d’emprisonnements, de rivalités familiales, d’amour éternel, de conspirations, de trésors inestimables, de splendeurs architecturales et de commerce d’épices, de bijoux et de textiles. En effet, l’histoire de Old Delhi est directement liée à l’apogée de l’empire moghol mais aussi à l’arrivée des Britanniques et à l’Indépendance de l’Inde.

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Qui sont les Moghols ?

Les Moghols étaient une dynastie musulmane d’origine turco-mongole qui a conquis en quelques décennies tout le sous-continent indien et qui y a régné du début du XVIème siècle au milieu du XVIIIème siècle. Après cette période, cette dynastie a continué d’exister mais son pouvoir a été considérablement réduit pour ensuite disparaître au milieu du XIXe siècle. Pendant près de trois siècles, des générations d’empereurs moghols ont régné. Ils ont établi des règles de gouvernance ambitieuse, ont multiplié les alliances afin d’étendre leur territoire et leur pouvoir et ainsi de créer un des empires les plus grands et florissants du monde. On distingue les « grands » empereurs moghols des empereurs moghols. Le fondateur de la dynastie Babur est le descendant direct de Tamerlan. Les six premières générations (Babur, Humayun, Akbar, Jahangir, Shah Jahan et Aurangzeb) ont construit et marqué de leurs empreintes l’empire moghol. Sous leurs règnes, il allait de l’Afghanistan au Bangladesh, de l’Himalaya à Hyderabad. Les poètes, écrivains, commerçants du monde entier venaient côtoyer la cour des empereurs et profiter des artisans bijoutiers, des artistes et musiciens qui ont participé à l’âge d’or de l’empire moghol. Les empereurs qui ont suivi, ont perdu peu à peu du pouvoir et du territoire et lorsque les Britanniques ont pris le contrôle en 1857, la puissance moghole s’est éteinte.

Qui était Shah Jahan ?

Shah Jahan est le fils de Jahangir. Il nait en 1592 à Lahore, actuelle ville du Pakistan. Son nom veut dire « Maître du monde » (rien que cela 🙂 ). A 35 ans, il devient le 5ème empereur moghol et règnera sur l’empire pendant 30 ans (1628-1658). Très tôt, il montre une passion insatiable pour l’architecture, la construction et les arts (musique, poésie et littérature). Il a fait construire des centaines de monuments dont certains sont encore visibles aujourd’hui comme le Taj Mahal, les vieilles portes de Delhi, le Fort Rouge de Delhi et la Grande Mosquée de Delhi. Il décide de construire la nouvelle capitale de l’empire à Delhi et lui donnera son nom, Shahjahanabad. Il a développé le commerce dans son empire. A son apogée, son empire avait le PIB le plus haut dans le monde.

Il a été marié entre 3 et 7 fois (oui pas très précis 🙂 ). Sa grande favorite a été Mumtaz Mahal, qu’il a connu à 14 ans sur un marché et dont il est tombé immédiatement amoureux. Il faudra attendre ses 20 ans et deux mariages arrangés, avant qu’il ne puisse épouser la femme de ses rêves. Il lui donne le nom de Mumtaz Mahal qui signifie Bijou du royaume. A ses 37 ans, Mumtaz meurt en donnant naissance à leur 14èmeenfant. Inconsolable pendant plusieurs années, Shah Jahan fait édifier à son honneur le Taj Mahal qui en devient sa sépulture.

Grand amateur de joyaux, Shah Jahan fait édifier dès son couronnement à Agra en 1628 et ce pendant 7 ans, le fameux « trône du paon » qui servira à tous les empereurs durant un siècle et qui sera convoité par les plus grands princes perses.

Shah Jahan n’a pas fait preuve de la même tolérance religieuse que son père Jahangir et surtout son grand-père Akbar, qui souhaitaient « une paix entre tous ». Il a interdit les mariages interreligieux, il a fortement encouragé voire forcé les conversions à l’Islam des hindous. Il a également fait détruire des églises chrétiennes dans l’actuel nord de l’Inde et l’actuel Pakistan.

Dès son vivant, ses quatre fils aînés commencent à se disputer le trône. L’empire moghol devient le théâtre de conflits familiaux sans fin. C’est Aurangzeb qui sort vainqueur de ses frères et s’auto-sacre empereur contre l’avis de son père. Aurangzeb le fait donc prisonnier à Agra, dans le Fort, dans une chambre qui donne vue sur le Taj Mahal. Il mourra dans cette chambre en 1666.

La construction de Shahjahanabad

Le lieu : Quand Shah Jahan a voulu construire sa nouvelle capitale, il a choisi de la construire dans Delhi qui était déjà à l’époque une importante ville de l’empire. Un des grands atouts de Delhi était la rivière sacrée de la Yamuna. Elle était la garantie d’avoir une réserve d’eau toute l’année. Pour ceux d’entre vous qui ont fait la balade en barque sur la Yamuna, vous imaginez bien que l’eau devait être plus propre qu’aujourd’hui 🙂

La ville : Shahjahanabad a été imaginée comme une ville de grands boulevards (bien avant donc que les français ne travaillent ce concept). En effet, les avenues et boulevards de la ville devaient être assez grands pour accueillir les nombreuses processions. Elle se voulait aérée, bien planifiée, large avec des squares, des parcs et de larges avenues, une cité parsemée de jolis jardins avec des fleurs exotiques, des arbres, des fontaines, des mosquées et surtout des rues marchandes. La construction de la nouvelle capitale s’étend alors sur 10 km dans une enceinte fortifiée protégée par 14 portes d’entrée en pierre rouge.  Ces portes sont nommées en l’honneur de victoires militaires sur de nouvelles provinces acquises tel que Porte du Cachemire, Porte de Lahore, Porte d’Ajmer etc…

 

L’aristocratie et la noblesse y ont fait construire de magnifiques maisons, de riches havelis, des petits palais, tous très raffinés. Des milliers de marchands d’épices, des bijoutiers, des artisans s’y installent pour commercer avec la cour. C’est l’âge d’or de l’empire moghol qui devient l’empire le plus riche d’Asie.

Les principales constructions de Shahjahanabad

  • La première construction fut celle du Fort Rouge, aux bords de la Yamuna. Il a logé toute l’administration de l’époque et la famille royale. La forteresse est protégée par un mur haut de 33 mètres. En son sein, il y avait des palais, des édifices en marbre, des mosquées, des jardins et des réserves d’eau. Sa construction a commencé en 1639 et a duré 9 années. Le Fort Rouge est inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco. A noter qu’une grande partie du Fort Rouge a été détruite lors des combats avec les Britanniques.
  • La construction de la Grande Mosquée de Delhi, Jama Masjid, a commencé en 1650 et a duré 6 ans. La mosquée a été construite en hauteur et domine la ville. Jama Masjid est aujourd’hui la plus grande mosquée d’Inde et peut accueillir plus de 25 000 fidèles dans sa cour. Ce magnifique édifice en grès rouge se compose d’une immense cour entourée de galeries et dominée par deux minarets et trois immenses dômes en marbre blanc.
  • En 1650 commence également la construction de la mosquée Fatehpuri (qui fait face au Fort Rouge), à l’autre bout de Chandni Chowk. La nouvelle femme de Shah Jahan, Fathepuri Begam, l’a fait construire en l’honneur de son mari. La petite histoire dit que sa femme était très jalouse de l’amour que Shah Jahan portait encore à Mumtaz Mahal (morte quelques années auparavant). Elle a pensé qu’en faisant construire cette mosquée face au Fort Rouge, Shah Jahan verrait sa mosquée toute la journée et donc penserait non plus à Mumtaz mais à elle 😉 Jalousie quand tu nous tiens…
  • Le principal boulevard de la ville est Chandni Chowk. A l’origine, un canal venait de la Yamuna et coulait en son milieu du Fort Rouge jusqu’à la mosquée de Fatehpuri. Le nom de Chandni Chowk signifie « le reflet de la lune ». Il était dit que chaque nuit, la lune se reflétait les nuits sur l’eau qui courrait tout le long de Chandni Chowk. Quand on voit aujourd’hui la pagaille de Chandni Chowk, on a du mal à voir les clairs de lune, les fontaines et les balades du dimanche… surtout depuis 18 mois que le boulevard est en travaux pour le rendre piéton ! Qui sait, lorsque les travaux seront enfin finis, Shahjahanabad ne sera peut-être pas si loin…

L’histoire de la ville après Shah Jahan

Le règne d’Aurangzeb (1658–1707) annoncera le début du déclin de l’empire. La ville de Shahjahanabad va se paupériser peu à peu. Aurangzeb est un guerrier et ne poursuivra pas l’œuvre artistique et architecturale qu’avait commencée son père. Il n’investira que dans son armée. Il mènera l’empire au maximum de ses frontières (actuels Afghanistan, Pakistan, Inde du Nord, Bangladesh) mais cette expansion rapide et sans contrôle sera le début du déclin de Shahjahanabad. En effet, Aurangzeb sera plus souvent sur les champs de bataille qu’à Delhi pour gouverner son empire. Dès le début de son règne, son intolérance envers les religions a été sans limite. Il exclura les Hindous des postes de l’administration, détruira leurs écoles et temples et persécutera les rajputs. Il a mis à mort le 9ème Guru Sikh qui a refusé de se convertir à l’Islam. Aurangzeb meurt détesté par tous en 1707, à 88 ans, en laissant un empire dans le chaos et au bord de la faillite.

Le déclin de Shahjahanabad

L’empereur Muhammad Shah (1719–1748) récupère un empire affaibli et faiblement protégé. Il doit faire face au guerrier perse Nader Shah, son voisin. Nader aime les joyaux et rêve d’envahir l’Inde car il sait que la collection de bijoux et de pierres précieuses des moghols était une des plus importantes et belles collections au monde. Il souhaitait s’emparer du trône du Paon. Le trône du paon avait encore à l’époque incrusté le diamant Koh-i-Noor. En 1739, Nader arrive aux portes du Fort Rouge et fait emprisonner Muhammad Shah. Nader prend possession du Fort Rouge. Les batailles des jours suivants sont violentes et meurtrières. Les textes indiquent que plus de 30 000 indiens (civils dont enfants) seront tués en 6 heures. Deux mois plus tard, Nader quitte Delhi avec un butin inestimable. Il repart avec le trône du Paon. Il a fallu 700 éléphants, 4000 chameaux et 12 000 chevaux pour porter tout son trésor. Grâce à cette fortune, Nader a arrêté de taxer sa population en Perse pendant 3 ans.

Le butin de Nadir Shah:

  • Le trône du Paon est le nom d’un trône à l’origine moghol. Son nom vient de la forme du trône où se tiennent deux paons. Le trône est composé de saphirs, rubis, émeraudes, perles et autres pierres précieuses. Le voyageur français Jean-Baptiste Tavernier, qui vit à Delhi en 1665, évalue le trône et ses 26 733 pierres précieuses à la somme dépensée pour la construction du château de Versailles en 1660. En 1738, Nader Shah envahit l’empire moghol repart en Perse avec le trône du Paon dans lequel avait été incrusté le plus gros diamant au monde, le Koh-I-Noor. La trace du trône du Paon se perd ensuite en Iran lors des guerres et pillages successifs.
  • Le Koh-I-Noor (« montagne de lumière ») est sans nul doute le plus fascinant des joyaux qui composent le trésor de la couronne britannique, mais aussi le moins « anglais » de tous. De manière plus anecdotique, ce diamant a la réputation d’être maudit, chacun de ses propriétaires ayant apparemment connu la mort peu de temps après s’en être emparés. Il a été extrait des carrières de Golconda, sur le plateau du Deccan, comme d’autres célèbres diamants : le Régent, le Orloff et le Grand Sancy. Il passera de mains en mains (entre descendants moghols) mais aussi de pays en pays : de l’empire moghol à la Perse en 1544, puis retour à l’empire moghol pendant le royaume de Shah Jahan dans des conditions mystérieuses, jusqu’au pillage de Nadir Shah qui retourne en Perse avec le diamant en 1739. La veuve de Nadir Shah s’enfuit en Afghanistan à la mort de son mari, où règne l’un de ses anciens généraux. Elle lui offre le Koh-I-Noor en échange de sa protection. Le diamant revient ensuite en Inde lorsque le roi afghan cherche de l’aide chez son voisin, Ranjit Singh, un souverain Sikh surnommé le Lion du Penjab, dernier détenteur indien du Koh-I-Noor. Ranjit Singh accepte de l’aider à condition de recevoir le diamant. Les successeurs de Singh n’arriveront pas à repousser les Britanniques. Un traité est signé, le maharajah du Penjab renonce à la souveraineté et tous ses biens sont confisqués au profit de la Compagnie des Indes Orientales, dont le diamant. Le diamant quitte ensuite l’Inde pour l’Angleterre dans le plus grand secret, à bord du Médée, le 6 avril 1850. L’équipage, victime d’une attaque de choléra, est presque décimée lorsque le navire accoste à Portsmouth le 29 juin (la malédiction continue…). Le diamant fut donné à la Reine Victoria mais elle l’estime moins remarquable que d’autres perles. Il rejoint alors les collections royales britanniques. Elle loue sa taille plutôt que son éclat. Il est alors décidé de le tailler afin de le rendre plus brillant. Ce travail est confié à un néerlandais. Sa taille est réduite de 43%… Incroyable mais vrai ! Victoria devient officiellement Impératrice des Indes en janvier 1877. Elle porte avec fierté le Koh-I-Noor sur sa couronne. Depuis l’Indépendance, l’Inde, le Pakistan et l’Iran revendiquent régulièrement le précieux diamant. Il ne sera rendu à aucun… Il est aujourd’hui exposé à la Tour de Londres avec les autres joyaux de la Couronne. L’Inde garde l’espoir de le récupérer un jour…

Le dernier empereur moghol de Delhi, Bahadur Shah Zafar, est contraint de s’exiler à Rangoon en Birmanie car Delhi passe directement sous le contrôle des Britanniques après la révolte des cipayes en 1857. La puissante dynastie moghole qui a régné presque 3 siècles sur la sous-région s’éteint alors.

Quand les anglais prennent le contrôle de Shahjahanabad, ils trouvent une ville appauvrie, presqu’en ruine. Les maisons des nobles avaient été saccagées ou pillées et de nombreuses ruelles avaient été victimes d’incendies. En effet, de nombreux conflits ont eu lieu entre les musulmans et hindous lors de la Partition. Les habitants sont partis vivre dans des cabanes construites dans les rues.  Les quelques bâtiments de type anglais ont été construits à cette période comme la Tour de l’Horloge et le Town Hall que l’on voit depuis Chandni Chowk aujourd’hui. Les anglais ont construit les deux grandes gares de Delhi et le chemin de fer. Pour cela, ils ont dû démolir une partie du Nord de la ville. Des centaines de maisons ont été rasées et par là même plus de trois siècles d’Histoire. Les riches commerçants ont quitté la ville pour aller s’installer plus au sud de la ville, dans le New Delhi construit par les anglais entre 1911 et 1932.

La magnifique Shahjahanabad avait hypnotisé par sa grandeur et richesse les voyageurs du monde entier au XVIIème et XVIIIème siècle. Celle qui avait été la maison des plus grands poètes, la cité des courtisanes, le trône des empereurs, était devenue un ghetto où les squatteurs ont ensuite laissé place aux mendiants, aux drogués et aux enfants des rues.

Le Old Delhi d’aujourd’hui :

Si vous êtes venus nous visiter sur Delhi, nous vous avons très surement organisé une visite de Old Delhi avec :

  • Dolat, guide francophone passionné d’histoire et d’architecture pour une visite très culturelle ;
  • Sanju, ancien enfant des rues qui a grandi dans Old Delhi, qui propose une visite hors des sentiers -visite moins officielle et plus humaine pour découvrir ce fabuleux quartier ;
  • Tenzin, guide tibétain, qui propose de découvrir Old Delhi en vélo (quelle expérience !) à l’aube, lorsque le quartier se réveille et que les magasins sont encore fermés et les rues vides.

En fait, il y a mille et une façons de découvrir ce quartier. Toutes ces expériences nous ont beaucoup plu, toutes nous ont appris à aimer Old Delhi et à vouloir l’explorer toujours plus. C’est là que l’on fait les meilleures photos, que l’on rencontre le plus facilement les habitants toujours ravis de nous parler, de nous questionner et de nous faire visiter leur maison. Je repense souvent à notre dernière visite de Old Delhi avec Sanju en février dernier, avec Marie-Noëlle, Francisco, Agathe, Anaïs et Aude-Claire. Un jeune garçon nous a proposé dans la rue de nous faire visiter son appartement. Ni une ni deux, nous l’avons suivi dans un escalier en colimaçon. Nous sommes alors rentrés dans un très bel appartement, vieux de deux siècles, et avons rencontré ses parents et grands-parents. Après une petite visite de sa chambre, il nous a emmené sur le rooftop de son immeuble. Vue imprenable sur Old Delhi. Nous avons bien rigolé là-haut ! Ce genre de moment et d’invitation sont inimaginables en France mais assez courantes en Inde.

La fabuleuse Shahjahabad est très loin, le Old Delhi d’aujourd’hui est un endroit parsemé de bazars colorés et désorganisés ainsi que des petites échoppes exiguës et chaotiques. Ruelles, cours, passages… à ce labyrinthe urbain, s’ajoute l’intensité du trafic.Old Delhi est un nœud de commerce pour les marchés de gros et les petits ateliers. Cet immense bazar qui date de 1650 est l’un des plus grands de l’Inde. Ses rues étroites sont bondées de personnes qui vaquent à leurs occupations entre les embouteillages des vélo rickshaws, des klaxons, des charrettes, des travailleurs qui portent de lourdes choses sur leur tête, les vendeurs ambulants de street food, les chiens de rue et la cohue des passants et des mendiants.

Sous l’oeil très attentif des singes 😉 …

Ce grouillant marché comprend aujourd’hui un improbable méli-mélo de boutiques modernes et anciennes, dont certaines se transmettent de génération en génération par les mêmes familles depuis l’empire. Le Karim dont le propriétaire est le descendant direct du cuisinier de Shah Jahan est un incontournable pour les kebabs. Les marchands de chaussures, de lunettes, de bijoux, de papiers, de boites en cartons se mêlent aux boutiques de thé, aux pharmacies, aux magasins de saris, aux marchands de meubles, aux imprimeurs, aux teinturiers et vendeurs de fleurs. Chaque rue a sa spécialité. C’est simple : on trouve de tout à Old Delhi.

Les grands marchés de Old Delhi sont :

  • Le Chawri Bazar : il s’agit d’une concentration de métiers qui travaillent le papier et le carton, des imprimeurs de dossiers, aux imprimeurs d’invitations aux feuilles d’or aux fabricants de boites en carton ;
  • Le Kinari Bazarou le marché du mariage : Se marier en Inde est un événement social majeur. Les familles peuvent s’endetter sur plusieurs générations pour financer les mariages grandioses indiens. Bollywood exagère à peine… pour vous dire combien les mariages sont grands, luxueux et abondants. Au Kinari Bazar, nous pouvons tout trouver pour le mariage ! Nous appelons ce marché le marché bling bling car tout brille, tout étincelle.
  • Le Dariba Kalan : Old Delhi est le lieu d’origine du commerce de bijoux, diamants et pierres précieuses. Ces métiers se transmettent de parents aux enfants. Les boutiques sont donc familiales. Les bijouteries qui vendent des diamants sont souvent cachées à l’étage.
  • Le Khari Baoli marché des épices : c’est le deuxième plus grand marché d’épices d’Asie, derrière celui d’Istanbul. Après nous être faufilés le long des marchands d’épices et de fruits secs, un petit passage nous emmène vers un petit escalier. Nous découvrons à chaque étage une vue étonnante sur les entrepôts de ce marché. Quelle logistique ! Tout en haut, sur le rooftop, nous pouvons voir les centaines de travailleurs, triant, négociant, pesant, portant les énormes sacs d’épices. Les épices qui flottent dans l’air nous font éternuer et grattent la gorge. La vue du haut nous permet de voir la Jama Masjid et le Fort Rouge, ainsi que tous les temples de Chandni Chowk.

Old Delhi est le royaume de la street food. A chaque coin de rue nous pouvons trouver des vendeurs de street food ou des petits stands spécialisés proposant du pain, des biscuits, des beignets ou d’autres spécialités indiennes comme les naans, les parathas et les bhaturas. Pour quelques roupies, nous mangeons très bien et découvrons toujours de nouveaux snacks. Attention à l’hygiène et au gras !

Mais malgré la foule et les ruelles plus ou moins propres, voire très sales à la fin de la journée, Old Delhi a son charme, ses façades en ruines et délabrées, les balcons en bois des bâtiments rendant une beauté inattendue. En se faufilant dans les rues, nous pouvons admirer les restes de Havelis (maisons bourgeoises de l’époque) qui sont répartis tout au long du quartier. Il semblerait que plus de 200 Havelis pourraient être rénovées.

Quel avenir pour Shahjahanabad ?

Shahjahanabad va très certainement continuer à écrire son histoire. Actuellement peu de ressources ont été déployées pour faire revivre ce quartier. Certains programmes de réhabilitation existent cependant. Le quartier nécessite des reconstructions, des modernisations d’équipement et d’infrastructure notamment en matière d’accès à l’eau et aux toilettes et à l’assainissement des eaux usées. Si les programmes de rénovation des Havelis se mettent en place, Old Delhi pourrait réellement montrer un nouveau visage. A tous ceux qui ont eu la chance de manger un biryani dans le somptueux Haveli rénové et transformé en hôtel et restaurant de luxe, Haveli Dharampura : imaginez si 200 Havelis suivaient ce même destin… cela nous laisse rêveur ! Qui sait dans quelques années, lorsque nous reviendrons : nous nous promènerons peut-être dans Shahjahanabad 😉

La visite de Old Delhi est aussi éprouvante qu’inoubliable. Vivante, curieuse, étonnante, fascinante, bouillonnante, tumultueuse, bondée, chaotique, sale, bruyante, effrayante, colorée, attachante. Old Delhi incarne à elle seule Incredible India.

Les photos de l’article sont un condensé de toutes nos visites de Old Delhi. La plupart avec vous donc il est possible que certaines aient été prises par vous. Nous remercions Francisco qui en a pris de superbes au mois de février 2020 😉 Certaines photos historiques ont été prises sur internet.

6 réflexions sur “Old Delhi ou la fascinante histoire de Shahjahanabad

  1. Superbe article sur Old Delhi ! Excellent rappel historique, et on voit bien que tu connais ce dont tu parles ! Bravo et merci de nous avoir permis de retrouver des souvenirs pas si lointains …

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  2. Toujours beaucoup de détails historiques inconnus par les profanes !!! regrouperez vous tous vos blogs dans un livre ??? j’espère que vous en aurez le temps … En tous les cas ….quelles sacrées leçons d’histoire vous nous faites partager ! merci !

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  3. La première fois que j’y suis allé, ça a été un choc! Tant de bruit, de bousculade! Même à pied, c’est à peine si on pouvait bouger sur Chandni Chowk; et ensuite, j’y suis retourné plusieurs fois, avec les guides que tu nous as fait connaitre, et j’ai pu découvrir plein de côtés attachants, la beauté des havelis que l’on discerne derrière la saleté.
    Il y aurait bien sûr moyen de restaurer une grande partie de ces havelis, mais alors que deviendraient tous ces petits commerces qui s’y sont installés depuis des siècles?

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  4. Un immense Merci (avec un grand M) pour ce concentré historique extrêmement bien écrit, précis et très clair.
    Beaucoup d’émotion en lisant cet article et en regardant tes magnifiques photographies qui nous rappellent les merveilleuses promenades à travers le Old Delhi que nous ne sommes pas près d’oublier.
    Merci de nous avoir donné l’occasion de visiter ces monuments exceptionnels (Fort Rouge, Grande Mosquée, Qûtab Minâr, Purana Qila, le Baoli Agrasen Ki, Feroz Shah Kotla et toutes les beautés architecturales au fil des visites et des parcs …..) et d’explorer ces quartiers typiques comme Nizzamudin, le quartier des lavandières ou les différents marchés du Old Delhi..
    Nous garderons un excellent souvenir des trois guides. La visite avec Sanju pour découvrir un Old Delhi inimaginable, celle avec Tenzin commencée à l’aube et à vélo afin d’admirer un Delhi qui s’éveille doucement et celle avec Dolat pour tout ce qui concerne l’ architecture et l’ histoire du pays. Si tu as l’occasion de les revoir transmets leur nos amitiés. Sanjiu étant celui qui nous a probablement le plus marqué. Nous espérons qu’il réussisse à monter un jour son agence de voyages.
    Nous garderons de New Delhi et de l’Inde en général une vision surprenante, stupéfiante, impressionnante, fabuleuse, extraordinaire, fantastique, saisissante et étourdissante.
    Ces trois voyages n’auront été que merveilles malgré la misère qui jouxte avec la richesse, les ruines avec les palais, la poussière omniprésente avec les immenses parcs verts et fleuris de la ville.
    Le seul souhait que nous puissions faire est que l’ancienne Shahjahanabad redevienne fleurissante.

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  5. Quel merveilleux souvenir, j’en ai les larmes aux yeux ! Quelques jours bien remplis qui nous ont permis d’effleurer le Delhi que tu racontes si bien… un grand merci pour cet article, et mille mercis pour l’incroyable découverte de Delhi Guylaine et Philippe ! Vos photos sont magiques et l’article passionnant, on se croirait de retour à l’époque de Shah Jahan et Mumtaz Mahal !

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